Un exemple de confinement au XVIIème siècle
Le « confinement » ce n’est pas nouveau…Michel Foucault nous donne ici un aperçu historique des dispositifs que mettaient en place les sociétés du passé pour faire face aux grandes épidémies :
« Voici, selon un règlement de la fin du XVIIème siècle, les mesures qu’il fallait prendre quand la peste se déclarait dans une ville.
D’abord, un strict quadrillage spatial : fermeture, bien entendu, de la ville et du « terroir » , interdiction d’en sortir sous peine de la vie, mise à mort de tous les animaux errants ; découpage de la ville en quartiers distincts où on établit le pouvoir d’un intendant ; chaque rue est placée sous l’autorité d’un syndic ; il la surveille ; s’il la quittait, il serait puni de mort. Le jour désigné, on ordonne à chacun de se renfermer dans sa maison : défense d’en sortir sous peine de la vie. Le syndic vient lui-même fermer, de l’extérieur, la porte de chaque maison ; il emporte la clé qu’il remet à l’intendant de quartier ; celui-ci la conserve jusqu’à la fin de la quarantaine. Chaque famille aura fait ses provisions ; mais pour le vin et le pain, on aura aménagé entre la rue et l’intérieur des maisons, des petits canaux de bois, permettant de déverser à chacun sa ration sans qu’il y ait communication entre les fournisseurs et les habitants ; pour la viande, le poisson et les herbes, on utilise des poulies et des paniers ; s’il faut absolument sortir des maisons, on le fera à tour de rôle, et en évitant toute rencontre ; ne circulent que les intendants, les syndics, les soldats de la garde et aussi entre les maisons infectées, d’un cadavre à l’autre, les corbeaux qu’il est indifférent d’abandonner à la mort : ce sont « des gens de peu qui portent les malades, enterrent les morts, nettoient et font beaucoup d’offices vils et abjects ». Espace découpé, immobile, figé. Chacun est arrimé à sa place. Et s’il bouge, il y va de sa vie, contagion ou punition. »
Michel Foucault (« Surveiller et punir », chapitre III : Le panoptisme)
Michel Foucault (1926-1984), philosophe et historien, a fortement marqué la pensée de la seconde moitié du XXème siècle. Auteur d’une œuvre considérable dont une grande partie a été publiée après sa mort dans les quatre volumes sous le titre « Dits et écrits » (NRF Gallimard).
Autres ouvrages : Raymond Roussel (1963) ; Naissance de la clinique (1963 PUF) ; Les mots et les choses (1966) ; L’archéologie du savoir (1969) ; L’ordre du discours (1971) ; Histoire de la folie à l’âge classique (1972) ; « « Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère »…un cas de parricide au XIXème siècle (1973) ; Surveiller et punir (1975) ; Histoire de la sexualité : I. La volonté de savoir (1976), II. L’usage des plaisirs (1984), III. Le souci de soi (1984), IV. Les aveux de la chair (2018, ouvrage posthume).
(http://aussitotdit.net le 13/04/2020)
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