Présentation par Denys Barau de la conférence prononcée le 19 septembre 2022 à Aussitôt dit par l’historien Johann Chapoutot :
« Vous êtes professeur d’histoire contemporaine à Sorbonne Université, et, en moins de quinze ans vous avez publié plus d’une dizaine d’ouvrages, presque tous consacrés à l’histoire allemande et plus particulièrement à la période du IIIe Reich.
Vos travaux sur le nazisme sont une contribution très importante au renouvellement de l’historiographie française dans ce domaine, à côté, entre autres, de celle de Christian Ingrao (avec qui vous avez écrit une biographie d’Hitler), sur la violence nazie (Les chasseurs noirs. La brigade Dirlewanger, à propos des unités spéciales, responsables des massacres de population en Ukraine et en Biélorussie, ou Croire et détruire. Les intellectuels dans la machine de guerre SS) ou de celle de Florent Brayard sur la « solution finale » (Auschwitz, enquête sur un complot nazi). L’originalité de votre approche et son point fort, depuis votre thèse sur Le national-socialisme et l’antiquité, consiste, me semble-t-il, à prendre au sérieux l’idéologie nazie, qu’on avait tendance à considérer, je vous cite, comme « une phraséologie ronflante et sans intérêt ». Vous en avez donné un exposé systématique monumental dans La loi du sang. Penser et agir en nazi (en 2015), complété en 2017 par La révolution culturelle nazie, qui traite plus particulièrement de la « refondation normative », de la formulation d’ « une nouvelle morale » et d’un « nouveau droit ». Dans ces deux livres, vous vous êtes intéressé à « la logique et à la cohérence interne d’un discours nazi porteur de sens », non plus seulement à « ce que le nazisme pouvait avoir de séduisant pour les contemporains » sur le plan esthétique, mais aux réponses du nazisme aux questions que se posaient ces mêmes contemporains sur le plan éthique. C’était aussi, comme le suggérait votre sous-titre : « penser et agir en nazi », mettre en évidence le lien étroit entre les pratiques, plus souvent décrites, et la doctrine qui les justifiait. L’importance de ces ouvrages tient à mon sens à cette problématique traitée avec une masse de documentation impressionnante.
De volume plus modeste, le livre qui est l’occasion de votre venue s’inscrit dans la même perspective, mais il fait porter la lumière sur une seule figure, celle de Reinhard Höhn, haut dignitaire nazi, spécialiste des questions d’organisation administrative, qui a fait une seconde carrière après la guerre à la tête d’un organisme très influent de formation au management. Partant de cet exemple vous suggérez un lien possible entre cet aspect du nazisme et le management tel qu’il peut se pratiquer aujourd’hui. En prenant par-là le risque de vous aventurer hors de votre domaine de spécialité. Comme, de façon différente, vous le faites depuis plusieurs années dans les chroniques mensuelles que vous donnez à Libération, ou plus récemment avec votre dernier livre intitulé Le grand récit « .