Présentation par Denys Barau, de la conférence prononcée le 21 février 2023 à Aussitôt dit, par Camille Dejardin, à propos du livre pré-cité :
« Je vous remercie, madame, d’avoir accepté notre invitation.
Vous êtes agrégée de philosophie et vous enseignez cette discipline au lycée ; vous êtes aussi docteur en Sciences politiques. Vous venez de publier, il y a juste une semaine, un livre sur La philosophie contemporaine, que vous faites remonter au XIX e siècle ; l’an dernier, vous aviez publié, dans la collection Tracts , chez Gallimard, un texte d’intervention intitulé Urgence pour l’école républicaine. Exigence, équité, transmission, et, plus tôt dans la même année, chez le même éditeur, mais cette fois dans la Bibliothèque des idées, le livre dont il sera question ce soir, votre premier livre : John Stuart Mill, libéral utopique. Actualité d’une pensée visionnaire. Un essai que vous avez construit à partir de votre thèse de doctorat.
En guise d’introduction, je m’arrêterai sur ce titre et sur ce qu’il annonce au futur lecteur. Il y a d’abord le nom d’un philosophe anglais, John Stuart Mill, auteur d’une œuvre importante à de multiples égards, vous allez nous l’expliquer ; il avait eu un succès certain en France dans la 2e moitié du XIXe s, avant de disparaître de nos librairies entre 1930 et 1960, puis d’ être republié ou retraduit surtout à partir des années 1990. Mais les études qui lui sont consacrées de ce côté-ci de la Manche sont encore assez rares et votre livre appelait d’autant plus une invitation de notre part que l’atelier de philosophie politique d’Aussitôt dit a entrepris depuis un an une lecture collective d’une de ses œuvres les plus célèbres, son essai On liberty.
De manière surprenante, vous caractérisez d’emblée cet auteur comme « libéral utopique ». Surprenante parce que la combinaison des deux termes est pour le moins inhabituelle : la notion de « socialisme utopique » est d’usage courant, son pendant libéral ne l’est pas, du moins pas encore. Surprenante aussi pour qualifier John Stuart Mill. On voit bien, moyennant quelques explications et ajustements, ce qui le rattache au libéralisme. Mais l’utopie ? Rien, à première vue, ni dans sa personnalité, ni dans ses œuvres ne semble le rapprocher par exemple d’un Charles Fourier. Vous nous expliquerez sans doute ce que vous avez voulu faire comprendre par cette formule doublement insolite. En tout cas elle inscrit dès le départ votre travail dans une perspective plutôt optimiste, qui contraste avec un air du temps qui inclinerait plutôt, lui, à la « distopie ».
L’orientation vers le futur suggérée par la référence à l’utopie est du reste en plein accord avec ce que votre sous-titre : Actualité d’un penseur visionnaire, indique sur le sens de votre travail : une étude certes sur l’œuvre et la pensée de John Stuart Mill, inscrite dans le contexte de son époque, à l’échelle de l’empire britannique à son apogée et plus largement de l’Europe, située surtout dans le débat intellectuel de son temps, une notion tout à fait centrale pour lui. Mais ce travail d’histoire de la philosophie vise surtout à mettre en évidence les ressources que nous pouvons aujourd’hui trouver dans cette œuvre pour faire face aux défis de notre époque, des défis que John Stuart Mill avait au moins en partie anticipés ».