« L’égalité sans condition »et « Les non-frères au pays de l’égalité »

Présentation de la conférence de Réjane Sénac le 12 mai 2022, par Annie Lechenet.

« Bonsoir Réjane Sénac, 

Au nom de toutes les personnes présentes ce soir, nous vous remercions d’avoir répondu favorablement à l’invitation d’Aussitôt Dit.

Directrice de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po, le CEVIPOF, vous enseignez à Sciences Po. Vous êtes également membre du comité de pilotage du programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre – PRESAGE, et membre du Conseil scientifique de la Cité du genre – USPC. De 2013 à 2019, vous avez été présidente de la commission parité du Haut Conseil à l’Egalité femmes-hommes, instance consultative auprès du Premier Ministre.

Vous êtes une chercheuse d’une grande profondeur scientifique, qui ne néglige aucun des apports pertinents des autres théoriciens et théoriciennes, et dont les analyses sont d’une extrême rigueur, grâce à votre triple approche de science politique, de droit et de philosophie. Vous êtes une chercheuse engagée, dont les travaux clarifient et éclairent les enjeux des luttes pour l’égalité et la liberté. Vous avez écrit récemment dans une tribune publiée par le journal Le Monde (5 mars 2019, « Une normalité sexiste est tolérée tant qu’elle est drôle et rentable ») 

« Pour dépasser ce qui fait écran à la reconnaissance de chacun à la fois comme singulier en tant qu’individu et comme semblable en tant qu’être humain, il est essentiel de réfléchir aux conditions d’une émancipation transformatrice. L’enjeu est que chacun puisse exprimer sa singularité individuelle en dépassant la généalogie sexuée/sexiste et raciale/raciste qui nous constitue collectivement et individuellement. »

Depuis vos premiers ouvrages, 

L’ordre sexué : la perception des inégalités femmes-hommes, Paris, PUF, 2007.

 Et La parité, PUF, « Que sais-je ? », 2008.

puis, pour ne citer que quelques-unes de vos nombreuses publications, 

L’invention de la diversité, Paris, PUF, 2012.

et L’égalité sous conditions : genre, parité, diversité, Paris, Presses de Sciences Po, 2015,

vous interrogez l’ordre sexué de nos sociétés, et plus largement les rapports de pouvoir, de domination et les inégalités qui les structurent. 

Vous démontrez comment il ne s’agit pas de simples défaillances dans la mise en œuvre de principes d’égalité, et surtout de fraternité, qui seraient absolument justes dans leur pureté abstraite, mais qu’il serait seulement malaisé d’appliquer concrètement, mais véritablement de principes construits à leur origine dans une logique excluante, logique avec laquelle nous n’avons pas rompu, sous des dehors modernisés, dans des logiques de rentabilité néo-libérale. 

Ainsi vos analyses semblent iconoclastes, tant vous interrogez avec rigueur les dites spécificités et exemplarités françaises. Vous affirmez non seulement que « la prétendue spécificité française libertaire, libertine entre séduction galante et grivoise cache (mal) la normalisation de rapports de domination et de violence », mais aussi qu’il faut « examiner à quelles conditions les principes portés par la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité », ne sont-ils pas des obstacles paradoxaux à une société égalitaire », et ceci non seulement à leur origine en 1793, mais aussi de nos jours, sous leur apparente modernisation, à travers les usages de la parité et de la diversité. Vous montrez rigoureusement comment notamment le terme de fraternité est, en 1792 et de nos jours aussi, un « mythe », et comment il remplit sa fonction de mythe. Celles et ceux que vous qualifiez de « non-frères », ont été exclu.e.s théoriquement et historiquement de la fraternité républicaine, et continuent en principe et en réalité de l’être.

(question du « comment » appliquer le principe de l’égalité « à la française » au regard d’une interrogation sur « qui » s’émancipe de « quoi ». L’enjeu est d’examiner le choix et la pertinence des outils pour appliquer le principe d’égalité en lien/tension avec ceux de liberté et de fraternité)

Nous allons ce soir parler de vos deux avant-derniers ouvrages, Les non-frères au pays de l’égalité, et L’égalité, (cette fois), sans condition, dont le sous-titre est : « Osons nous imaginer et être semblables ». 

Nous allons quant à nous oser vous écouter. »