Qu’est-ce qu’un virus ?
Le texte ci-dessous est un issu d’un ouvrage scientifique : cela n’a rien de surprenant puisque la réflexion sur les sciences (ou épistémologie) occupe une place importante en philosophie. La philosophie n’a jamais cessé d’être en dialogue avec les sciences, à travers l’histoire des sciences et l’épistémologie. Cet extrait appartient à un livre, La logique du vivant, qui eut beaucoup de retentissement lors de sa parution, non seulement dans la communauté scientifique mais aussi auprès des philosophes. L’extrait proposé ici nous semble d’actualité…
« Un virus est une particule constituée d’un fragment d’acide nucléique enfermé dans une coque de protéine. Dépourvu de tout enzyme, de tout l’appareillage chimique nécessaire aux synthèses et à la mobilisation de l’énergie, le virus ne peut se reproduire de lui-même mais uniquement au sein de cellules qu’il infecte et dont il utilise la machine à son propre compte. C’est seulement dans une cellule que les instructions contenues dans l’acide nucléique du virus peuvent être mises à exécution : les protéines du virus sont synthétisées, son acide nucléique recopié ; les pièces séparées ainsi fabriquées sont ensuite agencées en nouvelles particules de virus. Libérées alors, celles-ci peuvent aller infecter d’autres cellules. Un virus se multiplie donc, non par croissance et division, comme une cellule, mais la production indépendante de ses constituants qui sont finalement assemblés pour reconstituer la particule ; on voit donc qu’un virus possède certaines propriétés d’un système vivant, mais pas toutes ; il peut se disséminer, se multiplier et subir des mutations. Il peut diriger la production de protéines virales qui influencent en sa faveur le milieu où il se trouve. Il peut donc être l’objet, d’une évolution par sélection naturelle. Mais en revanche il ne peut mettre à exécution son programme génétique et se reproduire que dans un milieu déjà capable d’effectuer les opérations du métabolisme, de produire de l’énergie et de synthétiser les polymères c’est-à-dire dans une cellule. On ne peut donc considérer un virus comme un organisme. Hors de la cellule, la particule virale n’est qu’un objet inerte. Seul le système cellule-virus possède toutes les propriétés du vivant. L’infection virale c’est la rupture de l’ordre cellulaire qu’entraîne l’irruption d’un message chimique étranger. »
François Jacob, ( La Logique du vivant , éd. Gallimard NRF, 1970)
François Jacob (1920-2013) : biologiste et médecin, a obtenu en 1965 le prix Nobel de physiologie ou médecine, avec Jacques Monod et André Lwoff. Principaux ouvrages de François Jacob : 1954 Les Bactéries lysogènes et la Notion de provirus, éditions Masson ; 1961: Sexuality and the genetics of bacteria, avec Élie Wollman, (Academic Press) ; 1970 : la logique du vivant. Une histoire de l’hérédité, (NRF Gallimard); 1979 : L’évolution sans projet dans Le Darwinisme aujourd’hui, collection Points – Sciences (éd. du Seuil) ; 1981: Le Jeu des possibles, essai sur la diversité du vivant, (éd. Fayard) ; 1987 : La Statue intérieure, (éd. Odile Jacob) (livre autobiographique) ; 1997 : La Souris, la Mouche et l’Homme, éditions Odile Jacob. Cliquer sur le lien : François Jacob cité par Michel Foucault
( https://aussitotdit.net/Un temps pour lire/15/04/2020)
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