Débat : LE PROPRE DE L’HOMME. L’HOMME, L’ANIMAL, LA MACHINE (Aussitôt dit – Fête du Livre)

 Débat organisé par l’Association de philosophie Aussitôt dit, dans le cadre
de la Fête du Livre de Saint-Étienne

17 octobre 2015, de 14h à 16h, à l’École d’architecture,

(rue Buisson, près de la place Jacquard)

LE PROPRE DE L’HOMME. L’HOMME, L’ANIMAL, LA MACHINE.

Des observations menées par les éthologues, les neurologues, les psychologues ou les cognitivistes ont montré que les chimpanzés étaient capables d’apprendre et de pratiquer le langage des signes, que certains primates pouvaient faire preuve d’empathie et avoir des comportements altruistes, que la conscience existait par exemple chez les poulpes, les dauphins, les éléphants ou les pies. Par ailleurs, des machines comme les ordinateurs ont été construites, qui reproduisent les opérations de l’esprit humain ; elles sont de plus en plus capables d’autonomie, et, selon certains, il n’est pas inimaginable qu’elles en viennent à acquérir, comme Hal, l’ordinateur de 2001 Odyssée de l’espace, une forme de conscience.

Ces faits comme cette conjecture conduisent à justifier la thèse d’une « naturalisation de l’esprit » qui remet en cause les grands partages dualistes sur lesquels se fonde notre représentation occidentale du monde : l’âme et le corps, la nature et la culture… Si l’on n’en déduit pas que l’homme ne serait qu’un animal comme les autres, faut-il au moins en conclure que la différence n’est qu’affaire de degré ? Si l’on doit alors renoncer à donner une définition substantielle du « propre de l’homme », les idées d’«unité du genre humain » et de « dignité humaine » n’en seront-elles pas compromises, avec tout ce qui s’y rattache – les droits de l’homme par exemple ? Il y aurait lieu aussi de s’interroger sur les formes de coexistence qui pourraient s’instituer entre ces trois genres d’êtres dotés de conscience, les hommes, certains animaux au moins, et bientôt peut-être certaines machines : quelle sorte de communauté pourrait-on imaginer d’établir entre eux ?

Du reste, entre les hommes et les machines le problème est peut-être moins celui de la coexistence que celui de l’effacement des frontières : avec des prothèses de plus en plus sophistiquées, l’hybridation semble déjà en marche. Pas seulement pour réparer les corps, mais aussi pour augmenter les capacités physiques et mentales des êtres humains. L’homme s’en trouverait dépassé et on assisterait à une véritable mutation de l’espèce, à l’avènement d’une transhumanité. Loin de n’être qu’un fantasme de science-fiction, cette perspective mobilise des forces puissantes (Google, la NASA…). S’imposera-t-elle, ses adeptes le pensent, comme la conséquence irrésistible d’un développement technologique qui va s’accélérant ? Sa réalisation peut-elle même être véritablement envisagée dans un avenir proche ? Et si elle venait à s’accomplir, frapperait-elle d’une obsolescence inéluctable l’espèce telle que nous la connaissons, compromettrait-elle radicalement toute communauté humaine ? A moins qu’il n’y ait une éthique possible de l’augmentation cognitive, un usage de ces moyens techniques à des fins qui seraient « encore humaines ».

Le débat sera animé par Christine BERTON, journaliste scientifique (La Rotonde-Ecole des Mines).

Avec :
Jean-Michel BESNIER, philosophe, professeur à Paris IV-Sorbonne,
Georges CHAPOUTHIER, biologiste et philosophe, directeur de recherche émérite au CNRS,
Jean-Gabriel GANASCIA, informaticien et philosophe, professeur à l’université Pierre et Marie Curie Paris VI
Bernard VICTORRI, linguiste, ancien directeur de recherche au CNRS.