« Philosophie des expériences radicales »

Présentation par Mireille Coulomb de la conférence prononcée le 17 novembre 2023 à Aussitôt dit par Stéphane Madelrieux, professeur des Universités en philosophie, autour de son livre Philosophie des expériences radicales :

Je vous remercie beaucoup de votre présence ici à Saint-Etienne, pour la présentation de 

votre livre,  Philosophie des expériences radicales

Vous ne venez pas de très loin, puisque vous exercez la philosophie dans la ville voisine, Lyon, où vous êtes actuellement professeur des universités en philosophie à l’Université Jean Moulin Lyon 3. 

Votre parcours est exemplaire: Normale Sup, agrégation de philosophie, Maître de conférences à Lyon 3, puis désormais Professeur des Universités. 

Votre centre d’intérêt majeur est le pragmatisme, et vous avez notamment rédigé une excellente préface de l’ouvrage de William James « Le Pragmatisme » en 2011, ainsi que celle de l’ouvrage de Henri Bergson « Sur le pragmatisme de William James » également en 2011, ouvrage qui contient l’ensemble des textes publiés de Bergson sur James et le pragmatisme de 1903 à 1936 et dont vous avez aussi écrit les introductions de chaque partie, les notes et le dossier de lecture. 

Henri Bergson et William James sont deux de vos auteurs privilégiés et nous en retrouverons la référence dans la « Philosophie des expériences radicales ». 

Vous avez ainsi co-dirigé ou dirigé des ouvrages collectifs comme celui sur « William James » dans les Archives de philosophie en 2006, « Bergson et James. Cent ans après » en 2011, « Sociétés fermées et sociétés ouvertes, de Bergson à nos jours » dans  « Ethique, politique, religions » en 2015. 

Mais vous vous intéressez aussi à John Dewey, dont vous avez traduit, édité et annoté en codirection avec Claude Gautier : « L’influence de Darwin sur la philosophie et autres essais de philosophie contemporaine », ainsi qu’au philosophe américain Richard Rorty : vous avez publié notamment un article dans le collectif « Relire Rorty » dans les Archives de Philosophie en 2019. 

Vos livres sont en cohérence avec cette réflexion qui est la vôtre, patiente et approfondie sur le pragmatisme, l’empirisme et le sens de nos expériences, celui de de nos croyances, ou la question de la vérité. 

En 2008 vous publiez : « William James. L’attitude empiriste », aux Presses Universitaires de France. 

En 2016, « La philosophie de John Dewey », chez Vrin. 

C’est en 2022 que vous publiez  « Philosophie des expériences radicales » au Seuil, dont nous allons parler aujourd’hui. 

Enfin, très récemment, vient de paraître le 25 octobre 2023 « La philosophie comme attitude », aux Presses Universitaires de France

J’ajoute que vous annoncez à la fin de votre livre sur les expériences radicales, la parution prochaine d’un ouvrage qui devrait porter, cette fois, sur les « expériences ordinaires », nous l’attendons avec impatience. 

Pour l’ouvrage qui nous intéresse aujourd’hui, la « philosophie des expériences radicales, vous allez nous en retracer la genèse, donc je me contenterai de souligner ce qui m’a particulièrement intéressée. 

La lecture de votre livre m’a replongée dans mes propres études de philosophie, durant lesquelles il était presque obligatoire de critiquer la métaphysique, voire la déconstruire, et d’adhérer à une philosophie de l’expérience, qui se voulait proche du réel, « dénouée du suprasensible » comme vous l’écrivez, et fermement critique, résolue à rester sur le plan de l’expérience. 

Mais votre approche m’a vraiment éclairée sur ces philosophies qui ont nourri mon propre parcours d’étudiante, et la réflexion en France à cette époque. Les auteurs que vous parcourez notamment Deleuze, Bataille, Blanchot, Foucault … étaient le passage obligé des étudiants de philosophie, dans le sillage de la philosophie à coups de marteau de Nietzsche. 

Or, en revenant à la source de la philosophie bergsonienne qui a influencé en France tout le XXeme siècle, vous montrez que ces philosophies reviennent bien à l’expérience mais en introduisant un nouveau dualisme et finalement une nouvelle métaphysique. 

La lecture de votre livre a constitué pour moi un éclairage extrêmement efficace (votre écriture est limpide) sur une certaine « ambiance » philosophique (si je peux m’exprimer ainsi) qui a prévalu dans l’enseignement philosophique universitaire en France. Il s’agit en effet de mettre en valeur des expériences exceptionnelles, absolutisées et différenciées des autres, par leur caractère radical, extrême ; mais ce qui est supposé, c’est que ces expériences seraient plus belles ou en tout cas plus intenses, et nous apporteraient plus que toutes les autres. 

Vous utilisez ainsi le concept « d’empirisme métaphysique » (c’est un oxymore que vous allez sans doute nous expliquer), à savoir un recours à l’expérience mais qui rétablit une hiérarchie de valeur entre les expériences ; cette « faim d’abîme » comme l’écrit Betty Rojtman, cette recherche de ces expériences radicales, de ces épreuves limites, semblant définir la philosophie elle-même. 

Vous annoncez pourtant un programme alternatif à l’empirisme métaphysique, en accord avec la citation de Richard Rorty que vous placez en exergue du livre : mais ce sera l’objet de votre prochain livre. 

Je vous laisse la parole. 

Mireille Coulomb, (ancienne professeure de Khâgne au Lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne).